Rip Kirby est un comic strip créé en 1946 par Alex Raymond. Ce strip est né par accident si j'ose dire. En effet, De retour de son engagement dans l'armée pendant la Seconde Guerre Mondiale, Alex Raymond escomptait reprendre son travail sur sa création Flash Gordon. Mais pendant sa période militaire, King Features Syndicate (qui rappelons-le détenait tous les droits sur le strip) a proposé à Austin Briggs (le remplaçant de Raymond sur le strip) un contrat se terminant en 1948. Devant cette "trahison" (c'est ainsi que l'auteur voyait les choses), Alex Raymond décide de créer un nouveau strip, plus réaliste. C'est ainsi que Rip Kirby vit le jour. Le strip sera publié du 4 Mars 1946 au 26 Juin 1999. Raymond restera sur le strip jusqu'à sa disparition le 6 Septembre 1956 (le dernier strip signé Alex Raymond étant publié le 29 Septembre). C'est John Prentice qui reprit le strip. Il resta sur le strip jusqu'à la fin.
Rip Kirby est un comic strip policier. Il raconte les aventures de Remington "Rip" Kirby, un ancien militaire reconvertit en détective privé. C'est un homme dans la force de l'âge. Il est assisté de temps à autre dans ses investigations par son majordome, Desmond (un ancien voleur). Il a une petite amie qui s'appelle Honey Dorian. Il a toujours un pipe avec lui. Et surtout, il porte des lunettes !
Ce premier volume collecte les strips parus entre le 4 Mars 1946 et le 4 Décembre 1948. Un total de huit histoires complètes sont réunies. Huit histoires que j'ai adorées. Rip Kirby est un détective privé dans la pure lignée de ce qu'on peut voir dans les films de cinéma des années 40-50. C'est un personnage très intéressant. On peut clairement le comparer à un Sherlock Holmes par exemple. Il est très intelligent, il plaît à la gente féminine et surtout il n'est pas dénué d'humour. Son entourage direct est également très intéressant. Desmond tout d'abord, qui ne semble être qu'un majordome "normal" au premier abord, s'avère être un acolyte bien utile quand certaines enquêtes demandent de plonger dans le milieu de la pègre. Honey Dorian est le rayon de soleil de ce comic strip. Elle est jeune, belle, dynamique. Elle est toujours prête à aider Rip dans ses enquêtes. Enfin, il nous faut citer Pagan Lee, une jeune femme très belle qui après un retournement de situation va se retrouver dans l'entourage de Rip, au grand désarroi de Honey. Alex Raymond a eu la bonne idée d'en faire deux femmes différentes. Honey Dorian est plutôt l'image de la femme angélique, pure, alors que Pagan Lee est l'archétype de la femme fatale, un poil dangereuse, mais qui reste très attirante. Cette dichotomie est parfaite pour créer des situations tendues et comiques (quand il le faut). A côté de cela, la relation entre Rip et Honey est très intéressante. Dans les premiers strips, on a plus le sentiment d'avoir à faire à une relation à sens unique. Rip a de l'affection pour Honey. La jeune femme, elle, semble avoir des sentiments plus profonds. Là aussi, Alex Raymond est brillant dans sa gestion de la relation entre les deux personnages. Il va petit à petit la faire évoluer. Il joue avec. Il n'hésite pas à se servir de la présence de Pagan Lee pour attiser la jalousie de Honey. Cette relation (et les sous-entendus et autres non-dits) sera d'ailleurs le prétexte d'une des histoires de ce volume. Histoire plus qu'intéressante. Les huit histoires sont toutes très réussies. J'aime beaucoup le rythme des enquêtes. Contrairement à un Secret Agent Corrigan par exemple où ça va à 100 à l'heure, on est ici clairement dans un rythme plus lent, où Rip prend son temps pour trouver des indices, réfléchit à comment démasquer le coupable. Ce sont des enquêtes bien plus posées. Les deux styles sont intéressants. J'aime beaucoup les deux. Mais j'ai une préférence pour ce genre d'enquête.
Visuellement, c'est tout bonnement incroyable. De tous les comic strips que j'ai eu l'occasion de lire depuis que j'ai découvert cette niche de la Bande Dessinée mondiale, je crois que c'est ce strip qui m'a le plus scotché. Dire que c'est magnifique est presqu'une insulte au talent d'Alex Raymond. C'est plus que magnifique. Son style photoréaliste est à tomber par terre. Ses cadrages sont très cinématographiques. Ce qui colle parfaitement avec l'ambiance détective privé des années 40-50. Ses personnages sont parfaits. Ses femmes sont sublimes (j'ai toujours eu un gros faible pour l'esthétique visuelle des années 40-50 au cinéma. Avec le travail de Raymond sur Rip Kirby, je suis aux anges). Même si je ne suis pas un expert en analyse graphique, il est évident qu'Alex Raymond est un véritable génie. Son encrage au pinceau est tout simplement hallucinant. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de juste regarder un panel, pris au hasard, et d'admirer le travail. Sa gestion des noirs et blanc est parfaite. Je m'enflamme peut être mais pour moi, son talent artistique est bien au delà de l'énorme majorité des artistes (quelque soit l'origine géographique) "modernes". Alex Raymond est souvent cité comme un grand maître de la Bande Dessinée. Je dois avouer que jusqu'à avant ma découverte de Rip Kirby, je le considérais comme un excellent artiste. Mais à présent, je le place aisément dans un top 3.
IDW Publishing nous propose un premier volume de grande qualité. Décidément, celle collection Library of American Comics est un sans faute. Format Hardcover à l'italienne. Le livre est un peu plus grand (en hauteur) que l'édition de Terry and the Pirates par exemple. Tous les strips sont parfaitement reproduits. Côté éditorial, nous avons à une préface de Dean Mullaney (Editeur chez IDW). Celle-ci est suivie d'un article intitulé "Crime does pay" signé Tom Roberts. Enfin Brian Walker nous propose l'article "The war made a realist out of me", article très intéressant sur la vie professionnelle du maître. Le tout est illustré de magnifiques croquis préparatoires, illustrations et autres photos.
Rip Kirby Volume 1 est donc un volume parfait. Vous avez pu voir à plusieurs reprises dans mes précédentes critiques des notes (indicatives) de 5/5. Rip Kirby mériterait 6 voir 7/5 tellement j'ai aimé cette lecture. Alex Raymond m'avait conquis avec Flash Gordon (on aura l'occasion de revenir sur ce strip). Avec Rip Kirby, il dépasse largement mes espérances. En voyant ce genre de travail, ça me rend encore plus triste de sa disparition. Qui sait quels sommets ce génie aurait atteint s'il avait vécu plus longtemps. Toujours est-il que je vous recommande chaudement cette lecture. En écrivant cette critique, l'envie de me jeter sur le volume 2 s'est accrue. Je peux vous dire que vous n'aurez pas à attendre des mois et des mois avant de lire mon avis sur la suite.
Intérêt global : /5
Qualité de l'édition : /5
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