Johnny Hazard fait partie de ces comic strips créés pendant l'âge d'or du comic strip d'aventure. Alors qu'il était en train de travailler sur Scorchy Smith (aka Bob l'Aviateur en VF) depuis 1939, Frank Robbins lance en 1944 Johnny Hazard. Il restera aux commandes du strip pendant plus de trois décennies (le strip s'achevant en 1977). Pour la petite histoire, le tout premier strip a été publié la veille D-day, cet événement incontournable de la Seconde Guerre Mondiale (je ne vous ferai pas l'affront de vous rappeler ce qu'a été cet événement). Un choix volontaire ? Je ne sais pas. Mais je trouve la coïncidence intéressante lorsque l'on sait que ce comic strip d'aventure a pour héros un officier de l'Air Force.
Johnny Hazard est en effet un comic strip d'aventure se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale et ayant pour héros un lieutenant de l'US Air Force (Johnny deviendra très rapidement Capitaine). C'est un personnage arrogant, un peu tête brûlée, qui aime faire tourner en bourrique ses supérieurs. Il n'a pas sa langue dans sa poche. Vis à vis des femmes, c'est un macho de première. Bref, il a tout du héros typique américain de cette époque.
Ce volume collecte les tout premiers strips. Nous avons de lire une histoire complète parue entre le 5 Juin 1944 et le 3 Mars 1945. Nous faisons la rencontre avec le Lieutenant Johnny Hazard en plein territoire ennemi. Accompagné de deux subordonnés, ils projettent de voler un avion allemand pour rallier la base américaine la plus proche. Exploit qu'ils réaliseront. Par la suite, nous suivons Johnny et son équipage dans des missions périlleuses mais qui s'avèrent cruciales pour gagner la guerre. De l'aventure avec un grand A en somme...
Ce volume édité par Glénat m'a beaucoup plu. Je ne connaissais que de nom ce comic strip. Et cette découverte m'a ravi. Je ne connaissais Frank Robbins que de nom (j'ai vu ça et là quelques strips mais c'est tout). Et je dois dire que j'ai été très intéressé par son travail. On fera forcément le rapprochement avec un Milton Caniff dont le style se rapproche un peu visuellement. Pour tout vous dire, j'ai même cru pendant un instant quand j'ai acheté ce livre que c'était du Caniff. C'est très agréable à regarder. Côté histoire, ça m'a également plu. J'ai trouvé très intéressant que l'auteur rentre immédiatement dans le vif du sujet. Il ne nous explique pas vraiment qui est Johnny Hazard, pourquoi il était en territoire ennemi (était-il prisonnier ? Son avion s'est-il crashé ? Tout cela restera un mystère). Son histoire est intéressante à suivre. J'ai également aimé la caractérisation de son personnage. Même si j'ai dit qu'il a tout du héros typique américain, il reste très différent d'autres héros (comme un Steve Canyon ou un Flash Gordon). Son côté tête brûlée me plaît. Côté casting, la plupart des seconds couteaux ne sont pas vraiment travaillés. On ne sait rien d'eux. Ils ne sont pas mis en avant. Johnny est la star. Et ça se voit. Mais un seul personnage sur le devant de la scène ne peut suffire. Comme tout bon comic strip d'aventure qui se respecte, il faut au casting une femme qui marque les esprits. Steve Canyon (du strip du même nom) a sa Madame Lynx ou sa Copper Calhoon. Terry et Pat Ryan (de Terry and the Pirates) ont leur Dragon Lady. Flash Gardon (du strip éponyme) a Dale Arden et Princesse Aura etc... Johnny Hazard a pour sa part Brandy, une photographe reporter de guerre. Elle a tout de la femme fatale : elle est sublime, elle a un caractère en acier trempé, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds... Sa rencontre avec le héros est explosive et apporte un élément comique vraiment intéressant. Son rôle de co-star finalement (c'est en tout cas le cas dans cette histoire) est parfaitement écrit. Frank Robbins n'en a pas fait une potiche. C'est une véritable femme indépendante. Enfin presque. Et c'est une des choses qui m'a amusé le plus dans ce volume. En effet, Brandy, la femme déterminée et indépendante, va se transformer en Brandy, la pauvre femme en détresse qui a besoin de son homme (vous l'aurez compris... de Johnny). Ce genre de cliché où l'héroïne doit tomber sous le charme du héros m'amuse beaucoup. Au final, cette histoire m'a beaucoup plu. Il y a beaucoup d'action (très bien orchestrée). Les rebondissements sont bons. Pour un début de strip, c'est réussi. ça m'a donné envie d'en lire plus.
D'un point de vue éditorial, Glénat a produit un livre de bonne facture. Format hardcover à l'italienne. Les strips ne sont pas parfaitement reproduits. Je subodore un problème de surexposition à la lumière lors du nettoyage des strips. On voit bien que certains traits sont manquants (dans les détails). L'encrage paraît également un peu gras. Tout ceci ne gêne pas la lecture. Et on peut pardonner à l'éditeur ces soucis. Le livre a été publié en 1988, une époque où le traitement des strips ne devait pas être évident sans les outils technologiques actuels. Mais je tenais tout de même à signaler ces défauts. Il est à noter que seuls les dailies sont reproduits ici. Les sundays ayant leur propre histoire, ce choix est donc logique. Pour finir, il faut souligner que le contenu éditorial est un peu maigre. Il n'y a pas par exemple de présentation du strip ou de l'auteur. Mais à la place, nous avons un entretien passionnant avec un des assistants de Frank Robbins : le français Patrice Serres. Entretien qui me donne encore plus envie d'en savoir plus sur Frank Robbins et sa méthode de travail.
Johhny Hazard s'avère donc être une bonne surprise. C'est un comic strip d'aventure réussi. On ne peut que regretter que Glénat n'ait jamais publié la suite. Il nous faudra nous reporter sur l'édition américaine publiée par Hermes Press (2 volumes actuellement sortis. Le troisième étant prévu pour la fin du mois de Janvier).
(Désolé pour la qualité des images. J'ai dû prendre des photos vu que je n'arrivais pas à scanner le livre. Et la différence de lumière se voit beaucoup)
Intérêt Global :/5
Qualité de l'édition :et demi/5
En guise de bonus, je vous propose ce fameux entretien (je ne le fais pas d'habitude mais vu que le livre n'est plus édité, je me dis que ce serait dommage que vous ratiez cet entretien)
merci pour les scans de cette interview, Jonathan.
RépondreSupprimerj'avais rencontré Patrice Serres lors d'un festival il y a quelques années; une très gentille personne qui avait pris le temps de partager quelques anecdotes concernant Thelonious Monk.
dommage que l'interviewer ait laissé passer la mention faite concernant un "scénariste" sans pousser plus loin. Patrice Serres parlait-il d'un scénariste pour JOHNNY HAZARD, ou pour ses boulots pour les compagnies de comic-books dans les années 70 comme Marvel (INVADERS) ou DC (THE SHADOW)?