Lorsque l'on parle des maitres du comic
strip de la première moitié du vingtième siècle, ce sont
quasiment toujours les mêmes noms qui reviennent en boucle (et à
juste raison) : Milton Caniff, Alex Raymond, Hal Foster, George
Herriman, Winso McCay, Al Capp, Frank King etc... Il manque cependant
dans ce genre de liste un grand nom du comic strip : Cliff
Sterrett. Il a pourtant créé une œuvre reconnue pour son
inventivité (notamment graphique) : Polly and Her Pals. Créé
le 4 décembre 1912, le strip s'est d'abord appelé Positive Polly
avant de devenir Polly and her pals six semaines plus tard (le 13 janvier 1913). Pour la petite information, ce strip existait
également en version sunday strip. Il avait sa propre histoire. Les
dailies et sundays seront regroupés sous le même nom en 1925. Le
comic strip s'achèvera en 1958 (avec la disparition de l'auteur).
Mais qui est donc cette fameuse Polly ?
Polly and Her Pals est une comédie
familiale un peu loufoque. Le comic strip raconte l'histoire
quotidienne de la famille Perkins composée de Polly la
fille, de Ma (Suzie Perkins) et Pa (Sambo Perkins), les parents. Le chat de la
famille est également un personnage récurrent du strip. Polly est
l'archétype de la jeune fille « moderne » (pour l'époque
évidemment). Elle a une certaine indépendance, elle a beaucoup de
petits amis (mais aucun d'eux ne semblent pouvoir conquérir son cœur). Ma et Pa sont plus traditionnels. Ils forment un couple
« normal » (typique de ce que l'ont peut voir ou lire
dans les œuvres du début du vingtième siècle). Polly est censée
être l'héroïne du comic strip. Mais finalement, ce n'est pas
vraiment le cas. Les vraies stars sont clairement les parents de la
jeune femme. Le ressort comique passe quasiment intégralement par
les situations et réactions de Ma et Pa. Ils n'ont pourtant pas de
problèmes graves qui pourraient servir de terreau pour des gags. Ils
sont au contraire des gens simples, ayant des préoccupations
simples. Cliff Sterrett réussit à faire rire à partir de ces
simples situations. Ce qui n'est pas si évident.
J'ai acheté et lu cette édition de
Futuropolis pour savoir si la bonne réputation du comic strip et de
son auteur étaient justifiées. Et il faut reconnaître que malgré
quelques réserves, on sent clairement qu'il y a quelque chose à
creuser. Je m'explique. Cette édition de Futuropolis m'a moyennement
convaincu. Elle regroupe quelques histoires parues en 1926, 1927
ainsi que quelques planches du dimanches parues entre 1930 et 1932.
L'avantage est que nous avons l'occasion de lire des histoires
complètes. Cependant, on peut se demander si le choix des histoires
est judicieux. Pourquoi ? Parce qu'un grand nombre de strips ne
sont pas vraiment très drôles. J'ai peu ri en lisant ce livre. Et
je pense connaître la raison : la traduction me semble
discutable. Je ne peux faire la comparaison avec la version originale
(ne la possédant pas). Cependant, j'ai ressenti à plusieurs
reprises le même sentiment : « ça devrait être drôle
(les panels des strips transmettent des signes amenant le gag) mais
ça ne l'est pas ». Je me trompe peut être mais c'est en tout
cas mon sentiment. Je n'ai donc pas beaucoup ri. Mais les strips
réussis sont vraiment très drôles. Le décalage entre la façon de
pensée de Sambo et sa fille Polly amènent de très bons gags.
D'un point de vue graphique, c'est
étonnant. Cliff Sterrett nous propose plusieurs styles dans le même
comic strip. Ainsi, Polly et ses amis (ses prétendants et ses amies)
sont graphiquement très différents de leurs ainés. Les premiers
sont représentés dans un style que l'on pourrait qualifier de
moderne (toujours pour l'époque). Ils ressemblent à des gravures de
mode. J'ai notamment pensé aux gravures de mode de la fin du
19ème-début 20ème que l'on pouvait voir dans les livres (ou autres
catalogues). Ce style m'a également fait penser à ce que l'on peut
voir dans des strips comme Tillie the Toiler, Fritzi Ritz ou encore
Blondie. Chose amusante : cette « jeune » génération
est quasiment tout le temps dessinée de profil. De leur côté, la
génération des « ainés » est représentée dans un
style très cartoony, style évidemment parfait pour renforcer le
côté comique des situations. Étonnamment, ce mélange de style
graphique fonctionne très bien. Ca ne choque pas. L'autre aspect
graphique qui nous faut noter est la variété de traitement au
niveau des décors. Dans ce livre, nous pouvons observer tout le
talent de Cliff Sterrett. Dans la plupart des dailies reproduits,
l'auteur utilise un style « normal », un peu cartoony
pour dessiner les décors. Il est en adéquation avec le style
graphique des ainés. Cependant, l'auteur n'en reste pas là. En
effet, dans les sunday strips (et dans quelques dailies), l'auteur
n'hésite pas à jouer avec son décor. Il a une approche
surréaliste. Les pièces de la maison sont déformées. Il joue avec
les perspectives. Ca donne un résultat visuel surprenant au premier
abord. Mais au final, c'est très plaisant.
En ce qui concerne cette édition,
Futuropolis nous propose donc un livre de type Hardcover dans un
format à l'italienne. Tous les strips (dailies et sundays) sont en
noir et blanc. Il n'y a rien à reprocher au niveau de la
reproduction. Comme dit précédemment, la traduction ne semble pas
parfaite. Côté éditorial, il faut signaler la présence d'un
article très intéressant sur Cliff Sterrett et son œuvre.
Difficile de se faire un avis définitif
sur Polly and Her Pals après avoir lu cette édition. Je dois
reconnaître cette lecture m'a laissé sur ma faim. Cependant, mon
intuition me dit que le potentiel du comic strip n'est clairement pas
exprimé dans ce livre. Je ne peux vous recommander la lecture ce
livre. Mais je ne serais pas aussi définitif sur l'intérêt de ce
comic strip. Je vais donc attendre la prochaine édition proposée
par l'éditeur américain IDW Publishing (nb : relire cette news
pour en savoir plus). Je vais également essayer de me procurer
l'édition proposée par les Editions de l'An2, édition qui a l'air
bien plus respectueuse du matériel d'origine.
NB : Je suis désolé de ne
pouvoir vous proposer plus d'images de cette édition. Le livre est
trop difficile à scanner.
Beau travail de présentation.
RépondreSupprimerMerci.