Avant de devenir un artiste
mondialement connu grâce à ses travaux en matière de science
fiction et de fantasy, Frank Frazetta a travaillé dans le monde du
comic strip. Il est surtout connu pour sa collaboration (qui durera
presqu'une décennie) avec Al Capp sur le comic strip Li'L Abner
(dont je vous parlerai dans une prochaine critique). Mais avant cela,
il a été l'auteur du comic strip Johnny Comet. L'aventure a duré
un an : du 28 Janvier 1952 au 31 janvier 1953 pour le daily
strip et du 3 février 1952 au 1er février 1953 pour le sunday
strip. Un aventure assez courte donc. Aventure interrompue par le
McNaught Syndicate pour manque de popularité. Un arrêt justifié ?
Ce comic strip raconte les aventures de Johnny Comet, un pilote automobile réputé. Un jour, alors qu'il cherche à aider un autre pilote en grand danger, il crash son bolide. Résultat : il se retrouve sur les routes. Il n'a plus de contrat. Il décide donc de devenir un mécanicien ambulant offrant ses services à quiconque aura besoin de lui. Le destin fera qu'il se retrouvera un peu plus tard de nouveau sur les circuits...
Ce comic strip partait sur de bonnes
bases. Le thème de fond (la course automobile) est intéressant et
plutôt bien géré. Le héros est également intéressant. Un peu
naïf peut être. Mais on a envie de suivre ses aventures. La galerie
de personnages qui entourent Johnny est plutôt bonne. On a la belle
Jean Fargo, propriétaire d'un petit garage automobile et un
amoureuse du héros. Sparky est le mécano du garage (un personnage
plutôt sympathique et prêt à aider les autres). Enfin, nous avons
le couple marié Bottle, qui sont en quelque sorte l'archétype du
père et de la mère de famille qui ont la cinquantaine. Bref, le
casting est réussi. Malheureusement, on ne peux pas en dire autant
de l'histoire. Elle est loin d'être mauvaise. Mais on se rend compte
assez rapidement de la raison de l'annulation de ce comic strip.
Johnny Comet a en effet une histoire ultra répétitive et très (on
pourrait même dire trop) classique. Tout le long du run de ce strip,
l'histoire suit le même schéma narratif : un ami de Johnny (ou
une connaissance ou même un étranger) le contacte pour lui demander
de l'aide. En règle générale, il s'agit d'aider quelqu'un à
gagner une course (Johnny prenant de temps en temps le volant pour
aider ladite personne). Bien évidemment, à chaque fois, des
personnes mal intentionnées tentent d'empêcher notre héros de
réussir dans son entreprise. La résolution de l'histoire étant la
aussi toujours la même : le coupable laisse invariablement une
preuve de son forfait et avoue tout de suite son crime (dès qu'il se
fait prendre). La répétitivité de l'histoire additionnée à son
manque cruel d'originalité ont eu raison de la viabilité du strip.
Ce qui est vraiment dommage. Car il y avait vraiment de quoi faire
une histoire intéressante. Pourquoi ne pas avoir ajouté une petite
dose de romance entre Johnny et Jean par exemple ? Pourquoi ne
pas avoir écrit une histoire autour de la fameuse course « Les
500 miles d'Indianapolis » ? Ou tout simplement, pourquoi
ne pas avoir cherché à diversifier les schémas narratifs ? Le
résultat que l'on constate nous donne envie de dire que le syndicate
a juste cherché à profiter du nom de Peter DePaolo, un coureur de
renom de l'époque (on apprendra plus tard que le véritable
scénariste s'appelait Earl Baldwin. Il sera d'ailleurs ajouté aux
crédits (à la place de Peter) vers la fin du strip), pour attirer
le plus grand nombre de lecteurs. Malheureusement, une telle
stratégie ne peut fonctionner sans une histoire originale. Le sunday
strip était également peu intéressant. Les premiers strips
laissaient croire que le rendez-vous dominical serait à suivre. Mais
finalement, il va suivre le même schéma que le daily strip. La
popularité du sunday strip ne sera jamais très élevée. L'éditeur
essaiera même de transformer la planche du dimanche en gag (centrée
sur le couple Bottle). Mais le résultat ne sera pas très
convaincant. Il y a déjà des strips humoristiques bien plus
aboutis.
En ce qui concerne le style graphique
de Frank Frazetta, il est juste magnifique. Son trait très réaliste
est un pur régal pour les yeux. Les scènes d'actions (pendant les
courses) sont très dynamiques. Ses personnages sont sublimes (son
encrage est un vrai régal (je suis particulièrement fan de son
travail sur les chevelures)). Frank Frazetta est particulièrement
doué pour dessiner de très belles femmes, de véritables femmes
fatales. J'ai personnellement une petite préférence pour le trait
de l'artiste en noir et blanc. Mais il faut reconnaître que l'ajout
de la couleur sur les sundays donne un rendu fort appréciable. Les
planches couleurs sont elles aussi très belles à regarder. Lorsque
l'on voit un tel art, on ne peut que regretter encore plus que
l'histoire ne soit pas à la hauteur.
L'éditeur Vanguard nous propose ce
comic strip dans deux versions : une version hardcover et une
version softcover. Je vais vous parler de la seconde (qui est
évidemment moins cher que la première). Cette édition est de très
bonne facture. Format A4. Les strips sont imprimés sur la longueur
d'une page. Ils sont parfaitement reproduits. Les noirs et blancs
sont nets. Les couleurs ne bavent pas. Il n'y a aucun problème de
lisibilité. Le contenu éditorial est très bon. En plus d'un
article de J David Spurlock sur Frank Frazetta, vous pourrez lire un
article tout simplement passionnant de William Stout sur la période
de parution du strip.
Johnny Comet est donc un comic strip
avec un gros potentiel. Lorsque j'ai lu les premiers strips, j'étais
plutôt emballé. Et j'espérais au fond de moi qu'il y aurait un
tome 2 (bien évidemment, je n'avais pas encore fait mes recherches
pour écrire cette critique). Mais au final, ce comic strip me donne
l'impression d'être un gros gâchis. Je ne crois pas que ce soit un
titre indispensable à avoir dans votre collection. Les fans de Frank
Frazetta pourront être intéressés. Les fous de comic strips (comme
moi ^^) pourront y trouver un intérêt. Mais pour les gens
« normaux », je ne peux pas vous conseiller l'achat.
C'est un comic strip qui se lit. Sans plus. Dommage...
A bin au moins on sais pourquoi on va l'acheter celui-là, ou pas!
RépondreSupprimerGraphiquement, ce que tu nous montres est en effet magnifique et ce que tu nous dis du scénar catastrophique....j'ai l'impression de lire du Michel Vaillant pour le coup avec un jean Graton certainement plus inspiré scénaristiquement parlant et moins graphiquement :p
Effectivement. Je n'ai pas fait la comparaison avec Michel Vaillant car je connais assez mal cette BD. Mais le peu que j'en ai lu était quand même plus intéressant que Johnny Comet. Comme je le dis, ce strip se lit, sans plus.
SupprimerLorsque Graton avait proposé son projet, on lui avait répondu : "oui, mais qu'est-ce qu'il fera quand il aura gagné la course ?", ce qui mettait le doigt sur le caractère répétitif induit par ce genre. Ensuite, Graton a su intégrer des éléments extérieurs aux sports mécaniques (policier, espionnage, soap...) pour alimenter la fiction. Pour en revenir à ce strip, la planche couleur est vraiment superbe. Comme quoi, sans couleur informatique, on arrivait à faire de bons trucs.
RépondreSupprimerEn effet, le cast était quand même bien utilisé et l'histoire pas seulement focalisée sur le seul Michel.
SupprimerEt l'informatique, ce n'est pas forcement un pb de couleur mais vraiment de coloriste.
C'était un peu l'idée que je voulais faire passer.
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour cet article (et pour le blog que je découvre). Grand amateur de Frazetta, je n'avais pas encore franchi le pas de lecture en VO. C est maintenant chose faite avec cet album, que je viens de commander (suite à la lecture de votre rubrique). Continuez ce travail d'information passionnant . Merci encore.
RépondreSupprimerEh bien, ça fait plaisir de voir que de nouveaux lecteurs sont intéressés par ce blog.
SupprimerJe suis bien content d'avoir pu aider. Vous serez surement ravi d'apprendre que je parlerai prochainement (disons d'ici un mois) d'un autre comic strip auquel a participé Frank Frazetta : Li'l Abner.