lundi 11 mars 2013

Critique #81 : Little Orphan Annie 1924-1927


Parmi les nombreux comic strips de renom qui ne figuraient pas encore sur mon blog, il y a Little Orphan Annie. Ce strip a connu une des plus longues longévités de l'Histoire de la bande dessinée mondiale. C'est Harold Gray qui proposa ce strip au New York Daily News. Le strip sera publié à partir du 5 Août 1924. L'auteur restera aux commandes jusqu'en 1968 (jusqu'à sa mort). Mais Little Orphan Annie lui a survécu et continua d'être publié pendant plusieurs décennies avant d'être définitivement annulée. Le dernier strip ayant été publié le 13 Juin 2010. Une longévité incroyable donc. Et qui est forcément due à la qualité de l'histoire et du dessin ?


Little Orphan Annie raconte les aventures quotidiennes de la jeune Annie, une enfant d'une dizaine d'années qui comme vous l'aurez deviné est orpheline. Elle vit dans un orphelinat entourée d'autres enfants dans la même situation. C'est une vie difficile. Encore plus pour un enfant qui est souvent le bouc émissaire de l'orphelinat. Mais Annie est courageuse. Elle ne se laisse pas faire par les petits tours des "amis". Un jour, elle a la chance d'être adoptée par une famille aisée. Ce qui devrait lui conférer une meilleure vie. Mais ça ne veut pas forcément dire la fin des ennuis...


Parmi tous les comic strips que j'achète, il y a parfois des titres sur lesquels je fais un pari. Little Orphan Annie fait partie de ceux-là. Qu'est-ce qui m'a poussé à acheter ce premier volume ? La curiosité ! En effet, j'étais comme toujours tenté par le pitch de ce strip. Mais ce qui a vraiment fait penché la balance, c'est l'Art. En effet, j'étais plus qu'intrigué par le style graphique d'Harold Gray. Il ne fait rien d'extraordinaire. Mais sa manière de dessiner les yeux m'a captivé. Mais j'y reviendrais. Parlons d'abord de l'histoire. Je l'ai trouvée très intéressante. Au premier abord, elle peut paraître pas très engageante. Mais j'ai été totalement conquis. Par l'héroïne tout d'abord, une petite fille dynamique, qui ne se laisse pas faire et qui positive tout le temps (alors qu'elle aurait largement de quoi broyer du noir). La galerie de personnages est également très intéressante. L'auteur n'hésite pas à nous proposer des personnages qu'on pourrait juger caricaturaux, mais ça fonctionne. On a la méchante femme qui gère l'orphelinat, la gentille maîtresse d'école qui aimerait tant aider Annie mais qui n'en a pas les moyens. Nous avons également le couple de fermiers qui sont prêts à se sacrifier pour Annie alors qu'ils la connaissent depuis peu. Enfin, nous avons également la famille Warbucks avec "Daddy", l'homme qui s'est pris d'affection pour Annie (il lui ressemble d'ailleurs niveau caractère), et sa femme qui est l'archétype même de la femme qui a gravi les échelons de la société et qui a visiblement oublié d'où elle vient. Je citerais également Sandy, le chien fidèle d'Annie qui ne la quitte quasiment jamais.


Ce que j'avais subodoré en lisant pour la première fois le pitch de ce comic strip s'est avéré encore plus surprenant en refermant ce premier tome. Il y a un côté très "Dickensien" dans Little Orphan Annie. Et je dois dire que je n'en reviens toujours pas qu'un tel strip ait pu être publié à l'époque (était-ce "normal" pour l'époque ? ou l'auteur a peut être voulu secouer la société avec son strip. Je ne sais pas). Ma surprise vient de la manière dont agissent certains personnages. Je ne compte plus les menaces qu'Annie a reçu (essentiellement de Mme Warbucks) sur un éventuel retour à l'orphelinat si elle n'était pas sage (ou si elle ne se comportait pas en petite fille modèle). Harold Gray nous montrera également la cruauté de Mme Warbucks lorsqu'elle "louera" en quelque sorte notre héroïne le temps d'un week-end (pour jouer la carte "philanthrope face à ses amies aisées) avant de la renvoyer à l'orphelinat. Enfin, le dernier exemple frappant a été "l'adoption" d'Annie par une famille plutôt pauvre dans le seul but de la faire travailler (beaucoup). Une véritable Cendrillon en somme. Mais heureusement, tout le strip n'est pas comme cela. A côté de ces moments très Dickensien, nous avons beaucoup de moments plus légers, plus drôles et plus touchants. Annie est en elle-même un catalyseur de bonne humeur. Daddy Warbucks n'est pas en reste. Les deux personnages forment un duo très intéressant et redonnent pas mal d'humanité à cette bande dessinée.


Comme je l'ai dit plus haut, le style graphique de l'auteur a été l'aspect qui m'a vraiment donné envie d'acheter ce premier volume. Outre un trait précis et un chara design bien pensé, j'ai été littéralement subjugué par la manière dont Harold Gray dessine les yeux. Ils n'ont pas de pupilles!!! Cela peut vous paraître bête mais j'ai trouvé ça captivant. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais ça fonctionne parfaitement sur moi. En dehors de cet aspect, il faut reconnaître que le trait de l'auteur vieillit très bien. Bien qu'il y a des éléments qui font clairement penser aux années 20 (je pense notamment à la manière dont sont faites les textures des décors (surtout les hacures) qu'on retrouve dans plusieurs strips de la même époque), le dessin ne prend pas une ride.


IDW Publishing, comme à son habitude, nous propose une édition de toute beauté. Hardcover de près de 380 pages à l'italienne. Dans ce premier volume, vous retrouverez tous les daily strips parus en le 5 Août 1924 et le 7 Octobre 1927 (aucun problème de reproduction ou de lisibilité à signaler). En guise de contenu supplémentaire, vous êtes gâtés. En effet, vous aurez dans un premier temps une sorte de "best of" de sunday strips parus dans la même période (ces derniers n'ayant pas été intégralement reproduits vu que les dailies et les sundays avaient une histoire différente dans les débuts de cette bande dessinée). Vous trouverez ensuite quelques mots de l'éditeur nous expliquant le défi qu'a été la publication de Little Orphan Annie. Ensuite Dean Mullaney (éditeur chez IDW) nous propose un article sur la période où a été créé le strip. Enfin  Jeet Heer conclut ce contenu supplémentaire avec un excellent article traitant de la genèse de ce comic strip ainsi que de la vie d'Harold Gray. Très intéressant et très instructif.


Little Orphan Annie est donc un pari réussi pour moi. J'ai beaucoup aimé ce premier volume. Je serais au rendez-vous pour le second volume et probablement les suivants. Je ne peux que vous conseiller d'au moins jeter un oeil sur ce monument du comic strip. Il vaut le détour.

Intérêt global : et demi /5
Qualité de l'édition : /5

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